La faute à la manette !<p>Le site de mauvaise foi sur les jeux vidéo, disponible en deux modes de jeu</p>2024-03-18T10:39:53+01:00urn:md5:58ce0dad675cdea475fcc6ccc23ce1e6DotclearRyuuko No Ken Gadinurn:md5:7b72cf3bb5203f2533d7c433bd789efa2024-03-17T10:49:00+01:002024-03-17T11:54:57+01:00Game APlastic 'n' Pixel Friends <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_03mars/mvsmini.webp" /></div>
<p>Vendredi a été commercialisée une énième version de la <em>Neo Geo mini</em>, cinq ans après les premiers modèles.</p>
<p>Elle est rouge et noire, a un autre logo, change de papier peint dans le menu, mais pour le reste, il s’agit toujours du même joystick mou, de la même disposition de boutons, de la même sortie HDMI décevante etc.</p>
<p>Malgré son nom (<em>MVS mini</em>), elle ne propose toujours que des versions console des titres (comprendre avec quelques options et des <em>continue</em> limités), d’ailleurs encore plus orientés baston que les modèles précédents, 30 sur 45 - notez que la plupart des modèles n’en proposaient que 40, à l’exeption des versions Christmas et Kuroko Limited qui en avaient 48.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_03mars/mvsmini2.webp" /></div>
<p>Pourtant elle a un intérêt et, si elle n’était pas sortie il y a plusieurs mois aux États-Unis, on aurait pu croire que c’était fait exprès : malgré une dizaine de ludothèques différentes selon les modèles, c’est la première fois qu’on y trouve <em>Art of Fighting 3 / Ryuuko No Ken Gaiden</em>, qui fêtait ce mercredi ses 28 ans. Mal-aimée parmi les franchises SNK, mal-aimée parmi les épisodes, il n’en est pas moins apprécié par certains dont je fais partie, malgré les personnages pas incroyables et mal équilibrés et la difficulté d’y faire quoi que ce soit de joli : son animation, ses graphismes, son ambiance rachètent tout à mes yeux.</p>
<p>L’argument sera-t-il assez fort pour que cette <em>mini</em> devienne mon septième modèle successif ? Réel suspense, même aux premières loges.</p>
<p> </p>
<p><em>MVS Mini Unico, 99€ environ (une vingtaine de plus qu’aux États-Unis tout de même).</em></p>https://www.lafautealamanette.org/post/Art-of-shopping-3#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1448Trains à vaporwaveurn:md5:a3be3d8e6717e6b510c063e9d41e504d2024-03-05T20:29:00+01:002024-03-05T22:00:52+01:00Game ALa Vie vs les jeux vidéo(s) <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/JAPANESERAILSIM01.jpg" /></div>
<p>Je prends goût sur le tard aux <em>Japanese Rail Sim</em> de Sonic Powered et autres <em>Railfan/ Train Simulator</em> (Ongakukan), après n’avoir juré pendant 20 ans que pour <em>Densha de Go!</em>.</p>
<p>Est-ce la qualité des vidéos à l’époque ?, les artefacts jamais réglés de ces jeux qui se contentent de ralentir une vidéo quand on freine ?, ou simplement que <em>Densha de Go!</em> était le premier auquel j’ai joué ?</p>
<p>En tout cas j’apprécie aujourd’hui l’authenticité des trajets par rapport à <em>Densha de Go!</em> qui, malgré sa qualité graphique devenu incroyable, n’en demeure qu’une simplification de la réalité (<a href="https://www.pop-up-urbain.com/densha-de-go-le-japon-au-fil-du-rail/" hreflang="fr">malgré ce que j’avais pu développer à une époque</a>).</p>
<div><iframe allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture; web-share" allowfullscreen="" frameborder="0" height="415" src="https://www.youtube.com/embed/YXl8bVZk4Gk?si=PMgBBYOAV_vXQGZS" title="YouTube video player" width="700"></iframe></div>
<p>La « réalité », même sous ou surexposée, est au contraire l’incroyable force des simulations dites FMV (pour <em>Full Motion Video</em>). Le Ferrovipathe (je ne connaissais pas le mot hier) sur le quai, les érables sur la ligne Eizan entre Kyoto et Kurama, cet accident que je suis sûr d’avoir surpris au bord d’une ligne que j’ai empruntée (impossible de retrouver le jeu en question), tel modèle de train désormais hors service, tout cela a existé, sans mise en scène.</p>
<p>Je me dis aussi que certains des usagers ou des travailleurs filmés lors de ces runs se sont reconnus, même floutés. Probablement pas ceux plongés dans leur téléphone, ni les petits vieux qui roulent en vélo le long des voies, mais le chef de gare qui attend au bord, le fan de train qui prenait une photographie ou un curieux qui a levé le nez au bon moment, repérant un appareil de prise de vue étrange collé à la vitre. Et qu’ils divulguent ce secret lors de confidences alcoolisées à des inconnus dans les bars, sur un forum caché derrière un pseudo, ou avec une fierté non dissimulée à leurs enfants après avoir ramené un jour, mutique, un jeu que personne n’avait réclamé.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/JAPANESERAILSIM02.jpg" /></div>
<p>Outre ces spéculations, d’une partie à l’autre, je ressens ce plaisir étrange d’une nostalgie d’un moment et d’un lieu étrangers, où « tout rest[e] exactement pareil. » Ces films interactifs sont comme des vitrines qui protègent les dioramas des vieux musées, ceux qui fascinaient Holden Caulfield dans <em>l’Attrape-cœurs</em>. Et je suis bien d’accord avec lui, <em>y a des choses qui devraient rester comme elles sont. Faudrait pouvoir les planquer dans une de ces grandes vitrines et plus y toucher. Je sais que c’est impossible mais, bon, c’est bien dommage.</em></p>https://www.lafautealamanette.org/post/Train-%C3%A0-vapeurware#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1445Kamui-Denurn:md5:e0d701b198ede9d2f01751191e40ed6e2024-03-03T22:50:00+01:002024-03-05T17:31:37+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/kamui_01.jpg" /></div>
<p><em>Kamui-Den</em> paru dans <em>Garo</em> entre 1964 et 1971 figure à mon panthéon personnel du manga. Plusieurs années, il a été aussi un graal, et dans ma quête, j’ai tenté d’acheter les 4 volumes publiés par Kana malgré la spéculation folle, et roulé des centaines de kilomètres pour emprunter les deux derniers tomes dans une médiathèque consciencieuse (depuis ils ont été volés).</p>
<p>Mon enthousiasme s’est un peu émoussé quand, après 6000 pages de lecture, le dernier tome se termine sur une promesse de suite qui n’aboutira jamais, malgré une autre série dans les années 80 et une troisième entamée : Sanpei Shirato est décédé, son frère qui l’assistait aussi. Je ne sais décidément que penser de ces oeuvres qui refusent de se clore, épuisant leur auteur et leurs lecteurs (<em>Shenmue</em> et <em>Hajime no Ippo</em>, je pense à vous).</p>
<p>La série n’en a pas moins un impact immense sur la pop culture, pensez seulement au nombre de ninjas nommés Kamui dans les jeux vidéo, ou la présence quasi obligatoire dans leur arsenal de l’<em>izuna drop</em>, une de ses techniques secrètes.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/izuna_drop.jpg" /></div>
<p>J’en ai évidemment vu l’adaptation au cinéma, qui reprend les premiers volumes de <em>Kamui Gaiden</em>, série dérivée dont les premiers tomes sont parus aux États-Unis à la fin des années 80 — ce qui aurait pu étonner, quand on connaît la radicalité du discours d’extrême-gauche dans <em>Kamui-Den</em>.</p>
<p>En fait, produit une dizaine d’années plus tard pour un magazine grand public, <em>Kamui Gaiden</em> n’avait rien conservé de sa portée politique : il s’agit essentiellement, du moins au début, de combats entre ninjas déserteurs et leurs poursuivants (ce qui n’était qu’un arc parmi d’autres bien plus intéressants dans <em>Kamui-den</em>).</p>
<p>Le film (2009) a perdu lui aussi la fibre politique de l’oeuvre d’origine, malgré son apparente insistance sur la « pauvreté de Kamui qui en aurait fait un ninja » : car Kamui n’était pas seulement pauvre, ce qui était le lot de presque toute la population japonaise de l’époque, mais d’abord et surtout <em>hinin</em>, paria parmi les parias, à qui « la plupart des métiers était interdit ; leur habitation, leur tenue vestimentaire et même leur coiffure étaient réglementées ; ils n’avaient pas le droit de recevoir ou de prêter du feu ; ils n’étaient pas autorisés à s’approcher des lieux fréquentés par la foule et encore moins, évidemment, à franchir le seuil des maisons ordinaires. » (<em>Kamui-den</em>, tome 2 p. 782).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/kamui_tome_3_732.jpg" /><br />
<span class="legende">(tome 3, p. 732 ?)</span></div>
<p>Un aparté de fin de chapitre dans le tome 2 résume que « Kamui était un paria en quête de liberté qui avait décidé de devenir un ninja » ; ce qui le révolte est l’inégale répartition des libertés, pas de la richesse. Ça n’a l’air de rien, mais c’est profondément altérer le sens de l’œuvre, du moins celle que j’aimais. <em>- à suivre</em></p>https://www.lafautealamanette.org/post/Kamui-Den#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1447Kung-Fu Masterurn:md5:0b5d84b0aa8ca383944ae35854702f9d2024-03-03T17:26:00+01:002024-03-04T17:34:28+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_02fevrier/kungfumaster_01.jpg" /></div>
<p>Jusqu’au 16 avril, on peut regarder sur <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/113202-000-A/kung-fu-master/" hreflang="vid">Arte.tv</a> <em>Kung-Fu Master</em> d’Agnès Varda (et après sur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tDuoen4JCFo" hreflang="vid">youtube où il a atterri illégalement depuis 11 mois</a>).</p>
<p>Voilà des années que j’étais curieux de voir plus que le même photogramme officiel de ce film « sans doute impossible à tourner aujourd’hui ».</p>
<p>Beaucoup d’attente pour passer à côté du film, puisque davantage que « le sujet éminemment dérangeant d’un amour, certes quasi platonique, entre une femme mûre et un très jeune garçon », j’ai préféré repérer les Renault 11 et les bornes Jeutel.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Kung-Fu-Master#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1446Samura Spiritsurn:md5:7025bb58ede9e151e5cac4b177a69bf92024-01-27T20:19:00+01:002024-03-02T10:25:32+01:00Game AWebTouring <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_01janvier/samura.jpg" width="100%" /></div>
<p>J’ai été content de lire des nouvelles (assez peu rassurantes, malheureusement) de l’auteur de <em>L’Habitant de l’infini</em> dans <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/01/27/festival-d-angouleme-rencontre-avec-hiroaki-samura-auteur-du-manga-de-sabre-l-habitant-de-l-infini_6213363_4408996.html" hreflang="fr">le Monde</a> (manga paru, à l’époque, dans la <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Casse-terman">discutable collection Manga</a> de Casterman (discutable pour ses partis pris d’adaptation mais incroyablement qualitative concernant les choix d’auteurs). Évidemment, un passage m’a accroché :</p>
<blockquote>
<p>Au début des années 1990, […] Hiroaki Samura va démarcher un éditeur du magazine de manga pour jeunes adultes Afternoon. <em>« Le critère principal pour eux était de proposer une œuvre à l’impact visuel fort. […] A la même époque, il y avait aussi </em>Kenshin le vagabond<em>, destiné à un jeune public,</em> se souvient-il. <em>Ce genre était aussi dans l’air du temps avec le succès au Japon d’un jeu vidéo de combat qui s’appelait </em>Samurai Shodown<em>. Je crois que ça a participé au fait que les éditeurs de mangas laissent de jeunes auteurs plutôt que des vétérans s’atteler à ce genre de récit. »</em></p>
</blockquote>
<p>Par curiosité, j’ai vérifié les dates de sortie des trois œuvres, et il s’avère que la prépublication de <em>L’Habitant de l’infini</em> à partir du 25 juin 1993 précède les deux autres : <em>Samurai Shodown</em> sort deux semaines plus tard, le 7 juillet, et <em>Kenshin le vagabond</em> débute au deuxième trimestre 1994.</p>
<p>À moins de souvenirs faussés par le temps et d’une modestie qui l’amènerait à diminuer son talent de l’époque, ce n’est donc pas le succès des autres titres qui a contribué à ce que Kodansha fasse confiance à « de jeunes auteurs plutôt que des vétérans » (à moins que Samura ne parle de Nobuhiro Watsuki, né comme lui en 1970, et par ailleurs fan revendiqué de <em>Samurai Shodown</em>).</p>
<p> </p>
<p><em>L’illustration du haut a été réalisée par Samura pour Samurai Spirits Oni (サムライスピリッツ鬼), slot game dont je n’avais jamais entendu parler (<a href="https://twitter.com/michaelgoraku/status/521304619683573760" hreflang="ja">source</a>). Sa Nakoruru n’a jamais paru aussi aïnoue et convaincante. </em></p>https://www.lafautealamanette.org/post/Samura-Spirits#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1444Mangazone N°6urn:md5:e64ef3bac779f637d3f6991a453476aa2023-12-26T18:18:00+01:002023-12-26T22:36:58+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_12decembre/1703624191572-15e3bc34-3513-481b-b61f-d89e5998ffda_.jpg" /></div>
<p>Je me suis finalement procuré le 6e numéro de cet illustre fanzine (1993 - scan à venir).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_12decembre/1703624370654-3da17a5b.jpg" /></div>
<p>Assez vite, j’ai retrouvé le ton qui m’irritait à l’époque, n’ayant aucun mal à m’agréger, criblé par l’acné et cerné par les parenthèses, à l’inconfortable type « personne n’est parfait » des fans de <em>Saint Seiya</em>.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_12decembre/1703624370654-3da17a5b-a577-4a6d-bbab-c473074ce967_.jpg" /><span class="legende">On identifie également rapidement les signes de ce qu’on désignerait aujourd’hui comme une communauté toxique, comme quoi tout cela n’a pas attendu internet, les blogs, twitter ou youtube.</span></div>
<p>Tout à ma découverte récente que j’ai vieilli, je me rends mieux compte que ce qui me froissait dans <em>Mangazone</em> tenait beaucoup à une question de générations, les auteurs abordant parfois la quarantaine (Patrick Marcel semble né en 1956, Jean-Paul Jennequin en 60 et Harry Morgan en 61). Aujourd’hui, par solidarité entre darons et pris par la gêne face à des pans entiers de l’oeuvre de Masami Kurumada (Mitsumasa Kido père génétique d’une centaine de chevaliers, les représentations racistes de <em>Ring ni kakero!</em>, les considération géopolitiques d’<em>Otoko Zaka</em> etc.), je me dis qu’ils n’avaient pas tort et que j’aurais dû suivre scrupuleusement leurs conseils de lecture - dans ce numéro que je n’avais pas trouvé à l’époque, <em>Akuma Kun</em> et, surtout, <em>Kamui</em>. Je me rends d’ailleurs compte à quel point, grâce à Viz notamment, les Américains ont profité de quelques perles - tout à mes versions laidement colorisées de <em>Ranma 1/2</em>, cela m’avait échappé.</p>
<p>Finalement ça ne m’aurait pas dérangé, de naître une vingtaine d’années plus tôt : ce que je lis aujourd’hui était déjà en partie accessible via l’anglais à l’époque - en plus s’approcherait aujourd’hui une retraite décente, promesse d’un mois de décembre libéré à temps pour profiter des érables rouges et du yen faible, pile avant que la hausse du kérosène et la force de conviction de Jean-Marc Jancovici ne me fassent renoncer à l’avion. Avec un peu de chance même, j’aurais pu visiter de justesse ce Japon fin Shôwa - début Heisei, celui de <em>A Scene at the Sea</em>, des <em>Weekly Jump</em> à la poubelle des stations de métro, de la <em>PC Engine</em> et de la R360, celui d’avant la vague touristique et de l’accélération de la mondialisation, bref celui qui continue de me fasciner et dont on ne peut capter aujourd’hui les échos qu’en contribuant à les faire disparaître pour de bon.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Mangazone-N%C2%B06#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1443Goemon, dernière priseurn:md5:bfe954d3f57fa160871571a07350b16c2023-12-13T20:57:00+01:002023-12-16T22:58:56+01:00Game AFautographie <p>Avant de partir vers d’autres directions (sur <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Goemon%2C-depuis-que-le-tabac-existe">le kabuki</a>, <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Kabuki2">Perry et ses vaisseaux noirs</a>), j’avais d’abord prévu un truc sur <em>Ganbare Goemon: Kurofune Tō no Nazo</em> (黒船党の謎〜 , le mystère du gang des vaisseaux noirs), seul épisode <em>Game Boy</em> sorti chez nous (sous le titre <em>Mystical Ninja Starring Goemon</em>, identique au jeu N64, pourtant sans rapport scénaristique).</p>
<p>Je me demandais comment ne pas y voir une métaphore de l’arrivée des bateaux noirs (<em>kurofune</em>) portugais puis du commodore Perry et une description peu amène des occidentaux vus comme des envahisseurs briseurs de vie paisible.</p>
<p>Dans l’espoir de rédiger plus rapidement, je m’étais à l’époque essayé aux cartes mentales ; évidemment, ça n’a pas fonctionné, et je trainais toujours les brouillons. Dans un souci de désencombrement, voici le papier résumé au propre. Ce qui est la meilleure manière de m’empêcher de le reprendre un jour.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_12decembre/1.png" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_12decembre/2.png" /></div>https://www.lafautealamanette.org/post/Goemon%2C-derni%C3%A8re-prise#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1442Lost decadeurn:md5:12cc12daedeb696517a1e2fa9209df6c2023-12-03T21:51:00+01:002023-12-10T15:44:24+01:00Game Aサイレントブログ <p>Je regardais une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2cx73EOaGWU" hreflang="vid">émission sur youtube consacrée à la musique de Streets of Rage 2</a> qui m’a sacrément interpellé :</p>
<blockquote>
<p>It was the first time I’d ever heard of this game or heard any of the music from it and, while not being nearly as popular as other games of its time like Mario and some of the stuff on the Nintendo system, this game on the Sega Genesis became a cult classic and is hugely popular amongst people who love retro gaming</p>
</blockquote>
<p>Je me suis dit : comment peut-on dire aimer la musique de jeu et les jeux sans connaître la série <em>Streets of Rage</em>. Et puis évidemment, il a fallu que je constate l’évidence : je suis devenu vieux, et ma culture du jeu vidéo aussi ; on ne peut plus attendre de quiconque qu’il connaisse un jeu sorti il y a 31 ans.</p>
<p>Je ne doutais pas, depuis une dizaine d’années que je n’ai plus de « console de dernière génération » (il ne me reste qu’une 3DS, et pas la mienne au demeurant) que la vie du média continuait, mais je n’avais pas perçu qu’un gouffre s’était creusé entre ce qui représentait le jeu vidéo pour moi et ce qui le définissait pour des joueurs actuels.</p>
<p>J’aurai dû m’en rendre compte avant : mes achats ne concernaient depuis des années que des <em>Mini</em> en tout genre (hésiter, <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Regret-II-Arcade-Selection">les acheter, les vendre, les racheter, les revendre</a>…), sans parler de mes quelques sujets d’articles. Mes références, mes goûts restent bornés entre ceux d’un collégien feuilletant le <em>Tilt</em> ou le <em>Console +</em> d’un autre et de l’étudiant se prenant des roustes contre un certain joueur privilégiant les <em>top tier</em> à <em>Kof 98</em>. Depuis, je suis toujours cet adolescent bavant devant l’illustration des soldats en armure le long d’un couloir de <em>Silent Debuggers</em>, ce souvenir demeurant la seule chose qui n’a pas vieilli.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Lost-levels#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1441Casse-terminaleurn:md5:3e42880efb091c65d9402b70ce3388972023-11-20T21:44:00+01:002024-03-04T20:49:18+01:00Game Aサイレントブログ <p>Le hasard m’a placé sous les yeux les <em>Appartements Shôkarô</em> de Jirô Taniguchi (<em>Une Anthologie</em>, 2010, Casterman) et je me suis mis en tête de visualiser l’architecture de la «maison des pins » de l’histoire.</p>
<p>J’avais incroyablement du mal jusqu’à ce que ça fasse tilt : Casterman n’avait pas perdu l’habitude de découper les cases pour les ordonner dans le sens de lecture occidental au lieu d’inverser « simplement » la page.</p>
<p>Une telle décision impliquant beaucoup plus de travail, on aurait pu croire que la volonté de bien faire serait présente en proportion, malheureusement le résultat qui se révélait déjà sot et dérangeant en 1995 (pour <em>L’Homme qui marche</em>*), ne s’est pas amélioré depuis.</p>
<p>Il ne suffit pas en effet d’inverser l’ordre des bulles de dialogue pour qu’une case concue pour être lue de droite à gauche fonctionne dans le sens inverse, et plein de petites choses gênent, sans qu’on mette toujours le doigt dessus : par exemple, au lieu d’un travelling vers la tête du personnage, le regard se pose sur ses pieds, en même temps que le lecteur perd l’idée d’un personnage pensif qui s’ennuie.</p>
<p>Pour une raison ou une autre (je soupçonne souvent l’ordonnancement des bulles, dont la forme n’est pas toujours corrigée — contrairement au travail d’adaptation de Frédéric Boilet dans <em>Quartier lointain</em>), il leur prend également d’inverser certaines cases, et seulement certaines cases, ce qui aboutit à un personnage qui passe subitement d’un autre côté, ou, pour les <em>Appartements Shôkarô</em>, d’une chambre qui passe à gauche au lieu d’être à droite.</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_11novembre/p214.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_11novembre/p241.jpg" /></p>
<p>* Ils ne font pas tout mal pour autant. Aussi imparfaite soit-elle, l’impression de la première édition de <em>L’homme qui marche</em> ajoutait une douceur et une atmosphère onirique (est-ce le papier qui absorbait une partie de l’encre ? Le contraste qui était différent ?) que je ne retrouve pas dans les éditions suivantes, plus grandes, plus chères, plus contrastées et longtemps tout aussi contestables, grévées des mêmes inversions de cases sans grand sens — d’ailleurs, 6 éditions (1995, 2003, 2012, 2015, 2017, 2021) pour un manga aux « ventes modestes » (dixit Benoit Peeters dans <em>L’homme qui dessine: Entretiens avec Jirô Taniguchi</em>, 2012), ça ne manque pas d’impressionner.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Casse-terman#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1439Super Nintenbros vol.3 le 2 novembre !urn:md5:0bdc1c2f2bf9d0fcd2b28aafb68906cf2023-10-26T23:09:00+02:002023-10-26T22:16:09+02:00NikonedaDraw or die !<p><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_10octobre/nintenbrosvol3.jpg" /></p>https://www.lafautealamanette.org/post/Super-Nintenbros-vol.3-le-2-novembre-%21#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1438Mangazone n°4 & Tsunami n°1urn:md5:5d9dc517226fec10d9b8e54ea32fadc32023-10-15T12:18:00+02:002024-01-02T22:15:38+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_10octobre/Mangazone04.jpg" /></div>
<p>Je ne crois pas qu’il existe quelque chose de comparable à <a href="https://www.abandonware-magazines.org/">Abandonware Magazines</a> pour les fanzines. Pourtant, leur vocation non-commerciale et la passion aux manettes de ces publications devraient inciter à les conserver.</p>
<p>Voilà en tout cas <a href="https://mega.nz/file/Gehh1DSQ#8Ld4aHMn6_agLa_QjRwVVvH-WvHYZFrd-MkH_wk_35w">une première contribution à l’idée avec le Mangazone n°4</a>, parmi les rares choses que j’ai conservées de l’époque (1992) avec <a href="https://mega.nz/file/qDBFgSbQ#Yz8yn19bONqSlQBD871B2cHkSq7eBcA4bTMDmIAcznI">Tsunami n°1</a> —<s> si quelqu’un d’ailleurs avait le <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Mangazone-N%C2%B06">n°6, celui sur les samouraïs</a>, je serais curieux d’en lire les articles</s>. </p>
<p>C’est amusant que cet exemplaire de <em>Mangazone</em> ait survécu à mes désencombrements, tellement son ton sévère (envers <em>Animeland</em> notamment) m’irritait à l’époque. Depuis, c’est au contraire son exigence et sa maturité qui continuent de me marquer.</p>
<p>Bonne lecture à ceux qui ne connaissaient pas, bons souvenirs aux autres.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Mangazone-N%C2%B04#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1437L'univers fini du mangaurn:md5:09cd44ef468c7503cca49156576da63c2023-10-14T21:11:00+02:002023-12-06T22:13:43+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_10octobre/IMG_20230830_165724.jpg" /></div>
<p>Pris d’intermitentes bouffées de nostalgie (souvent étonnantes, parce qu’il y a globalement peu à regretter de ces temps), j’ai racheté <em>L’Univers des mangas </em>de Thierry Groensteen, Jean-Paul Jennequin et Harry Morgan, témoignage d’une époque (1991) où il fallait constamment convaincre de l’intérêt même des mangas — ce qui me coûta le livre, jamais rendu par mon professeur d’arts plastiques de l’époque, qui n’en changea pas d’avis pour autant, mais en enchanta son fils, ce qui me faisait une belle jambe.</p>
<p>Je ne l’ai pas gardé, comme souvent mes achats récents, juste le temps de prendre quelques clichés (en cas de rechute), et de m’étonner de la liste des mangakas mentionnés : à vrai dire, auteurs comiques à part, tous les autres ont depuis été publiés. </p>
<p>Bien sûr sont mentionnés Toriyama, Takahashi, Leiji Matsumoto, tous ces noms connus au moins par leurs adaptations télé mais aussi, déjà, Yoshihiro Tatsumi, Yoshiharu Tsuge, Sanpei Shirato, Maruo, Umezu, Chiba, Mizuki, Hirata etc.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_10octobre/IMG_20230830_171242.jpg" /></div>
<p>Voilà ce qui m’étonne : pas tant le bon goût témoigné par leurs auteurs mais que la liste d’auteurs proposés soit aussi solide, à une époque d’informations aussi rares, au point que dans un fanzine aussi notable que <em>Mangazone</em> (n°4, 1992, dans lequel Jennequin et Morgan écrivaient d’ailleurs) on se désolait dans les pages du courrier de n’être qu’« à peine mieux renseignés que [les] lecteurs sur bien des points de la BD japonaise ».</p>
<p>Il est vrai que <em>le Cri qui tue</em>, en son temps, avait déjà pavé la route de solides références, que les Américains avaient déjà publié des choses, mais j’aurais pu gagner beaucoup de temps pour forger et entretenir mes goûts si j’avais lu ce livre plus conscieusement à l’époque, ce que semblent avoir fait nos éditeurs français qui se « contentent » finalement de les publier avec application depuis 30 ans (jusqu’aux <em>Vents de la Colère</em>). </p>
<p>Note pour plus tard : je n’ai jamais trouvé de quelle série était tirée les dessins de la couverture, pas créditée dans le livre. A chercher une bonne fois pour toutes.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/L-univers-fini-des-mangas#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1436Autour du soleilurn:md5:5d488d772dc6a9a72f29b5c963d77b1f2023-10-04T20:29:00+02:002023-12-05T22:17:38+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_10octobre/Kenji_Yanobe.jpg" /></div>
<p>Étonné de tomber sur cette anecdote dans <em>Le Vide et le Plein</em> de Nicolas Bouvier, à propos de la Tour du soleil de Tarō Okamoto qui me hante depuis une vingtaine d’années et cette mise en scène post-apocalyptique de Kenji Yanobe.</p>
<blockquote>
<p>Hideo Sato est un activiste du Sekigun (le groupe radical qui a détourné sur Pyongyang un avion de Japan Airlines) déjà arrêté l’an dernier par la police en Hokkaido sabotage et « subversion ». Puis il s’est fait oublier ou a simplement brouillé sa trace comme il est semble-t-il facile de le faire ici et s’est engagé comme employé de mairie dans une préfecture du Centre. Vers la fin avril il s’est installé clandestinement dans l’oeil droit de l’immense statue de la place des fêtes qui comporte deux visages superposés à trente et soixante-dix mètres du sol. Ainsi pouvait-il interrompre la puissante source de lumière qui sort alternativement d’un ceil et de l’autre, ainsi a-t-il rendu borgne ce visage camus qui était l’un des symboles les plus vantés de l’Expo 1970. Pour accéder à cet œil, il faut grimper le long d’une tubulature épaisse comme un tronc, presque verticale et très vertigineuse. Hideo Sato bivouaquait dans l’oeil avec son sac de couchage et un transistor. Est-il monté là-haut tout seul, a-t-il bénéficié de complicités ? La police le saura peut-être mais nous ne le saurons jamais. Au début, la présence de ce contestataire minuscule (on le voyait grand comme une allumette), qui laissait pendre ses jambes par-dessus la paupière inférieure, haranguait parfois la foule massée sur la place et faisait la grève de la faim, a causé une certaine sensation et plongé les organisateurs dans un embarras extrême : à cause de la difficulté de l’escalade il était risqué d’aller l’emballer de force, surtout que l’opération aurait dû se dérouler de nuit pour éviter de donner à cet exhibitionniste la publicité que justement il cherchait. On craignait aussi qu’il ne saute et n’aille faire soixante-dix mètres plus bas une éclaboussure de mauvais augure pour l’Expo. On a donc fait comme s’il n’y était pas. pour<br />
<br />
Toute une longue semaine, l’étudiant a jeûné dans son cil pendant que, sous lui et sans qu’il y puisse rien faire, la portée de son geste se dénaturait complètement. Il était devenu une attraction de plus, dans une foire qui en compte bien d’autres, pour les villageois de la campagne alors très nombreux parce qu’il y avait peu de travail aux champs: une anecdote, un souvenir à ramener chez eux. Au bout de quelques jours, on a même organisé - pour relancer l’intérêt - un dialogue avec le sculpteur de la statue. L’étudiant aurait dit : « Pourquoi ne dansez-vous pas tous sur cette place?» Le sculpteur aurait déclaré : Chaque fois qu’une chose nouvelle apparaît (sa statue) il faut qu’elle soit salie pour être fécondée. »> Propos artificieux, contraints et qui ne correspondaient sans doute pas au fond de leur pensée. Peut-être le sculpteur trouvait-il sa statue plus belle avec un homme dans l’œil. Peut-être ces deux se seraient-ils fort bien entendus, mais ils étaient récupérés » l’un et l’autre et savaient que quoi qu’ils fassent la foire continuait sans les attendre. Le neuvième jour, l’étudiant qui avait faim et souffrait de vertige a troqué sa reddition contre une soupe de kayu (riz dilué) et une conférence de presse. On a promis sans promettre et il a d’abord envoyé son sac de couchage et son transistor. Puis un policier acrobate est allé encorder le naufragé très affaibli et l’a redescendu. Peut-être a-t-il eu sa soupe. Il n’a pas eu sa conférence de presse et sa photo n’a jamais paru. On a entendu jusqu’à Kyoto le soupir de soulagement des responsables. Ça s’était une fois de plus « bien passé ». Il est très difficile de faire entendre une voix discordante dans une société où depuis vingt ans, cahin-caha, la vie matérielle s’améliore sans cesse, où le gouvernement prend un ton dévot pour dire aux administrés « ne poussez pas, ne vous plaignez pas, songez à l’intérêt national… et chacun trouvera un petit quelque chose dans ses souliers de Noël ». Cette promesse on l’entend faire un peu partout dans le monde, le plus souvent par des escrocs, mais ici, depuis vingt ans, elle a toujours été tenue.</p>
</blockquote>
<p>Je n’ai pas eu le courage de fouiller suffisamment pour découvrir ce qui était arrivé à cet Hideo Satō par la suite. Pas plus que je n’ai percé la raison pour laquelle ni l’oeuvre ni « le sculpteur de la statue » ne sont nommés par Bouvier - l’une et l’autre ne lui n’ont-ils pas paru notables ? Ou bien est-ce l’inverse, comme s’ils risquaient de détourner l’attention du lecteur ? </p>https://www.lafautealamanette.org/post/Exposition-de-1970#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1435L'acteur qui ne jouait pas la comédieurn:md5:e20866e688442348fcf56f6f267de85f2023-10-01T10:56:00+02:002023-11-02T14:01:32+01:00Game ALa Vie vs les jeux vidéo(s) <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/lastwindow-novel_01.png" /></div>
<p>Il y a <s>quinze jours</s> douze ans, <a href="https://www.whatgamesare.com/2011/02/video-game-writing-and-the-sense-of-story-writing.html" hreflang="en">Tadhg Kelly développait</a> l’idée que « les jeux vidéo ne sont pas un [bon] outil pour raconter des histoires ». Il visait alors particulièrement <em>LA Noire</em>, et les moments rébarbatifs à travers lesquels le joueur doit passer pour enclencher « l’histoire que la Team Bondy veut raconter » : l’interactivité proposée s’y limitait souvent à des actions simples, répétitives. Et justement parce qu’elles étaient simples et répétitives, elles n’auraient pas eu leur place dans un « storytelling medium » différent.</p>
<p>À l’époque, je réfléchissais à une idée similaire à propos de <em>Last Window</em> (Nintendo DS), la suite d’<em>Hotel Dusk</em>. Cela aurait été moins bien dit et fait que le texte de Tadgh Kelly, j’avais donc abandonné.</p>
<p>Aujourd’hui j’ai totalement oublié <em>LA Noire</em> (sauf cette reproduction inutilisée d’un camp japonais à destination de l’entraînement des GI dans un coin de la carte), et je trouvais dommage de laisser le mien hors-ligne, tout médiocre qu’il était en comparaison d’un article que je n’ai cependant pas eu le courage de relire. J’ai des souvenirs tout aussi diffus de <em>Last Window</em> et d’<em>Hotel Dusk</em>, mais par contre je sais encore que je n’y rejouerai plus malgré leurs histoires qui m’avaient envouté. Le paradoxe vaut peut-être cette mise en ligne très tardive.</p>
<p>Vous souvenez-vous de cette <em>feature</em> un peu méta dans <em>Last Window</em> : qu’à mesure que de la progression dans le jeu, on accédait aux chapitres d’une nouvelle écrite par un personnage du premier jeu, romancier de profession ? En voici un extrait, pour l’exemple et se rafraîchir la mémoire :</p>
<blockquote>
<p>Il possédait une bouteille de whisky vide dans laquelle il mettait un peu d’argent de temps en temps. Il commencerait par piocher dans cette réserve : il la prit, l’agita et compta les pièces qui en étaient tombées.</p>
<p>Il y avait aussi quelques billets, mais Hyde eut beau secouer, il ne parvint pas à les faire sortir.</p>
<p>« Mais comment je vais faire pour choper ces billets ? » S’il voulait mettre la main dessus, une seule solution s’offrait à lui - briser la bouteille. Pour ce faire, il décida d’utiliser un tournevis.</p>
<p>Il le brandit et frappa de toutes ses forces, mais le verre résistait. Ce n’était pas l’objet adéquat. Réflexion faite, il aurait dû s’en douter…</p>
<p>Il fallait trouver autre chose…</p>
<p>Avant de se résoudre à casser sa bouteille, Hyde envisagea une autre solution. Il conservait dans son armoire une tirelire à l’effigie d’un personnage de dessin animé, Pinkie Rabbit - cadeau que lui avait fait Mila. Pas question de la casser, mais il lui fallait cet argent. La règle qu’il trouva dans un carton rempli de produits Red Crown ferait l’affaire. D’un geste habile, il réussit à récupérer les quelques pièces, pour constater avec dépit qu’il n’y avait même pas de quoi payer une partie de ses dettes. Hyde ne trouva chez lui rien qui convienne pour casser la bouteille. C’est alors qu’il repensa au marteau que Dylan tenait lorsqu’ils s’étaient croisés dans le couloir l’avant-veille. Quand Hyde demanda à emprunter son marteau, Dylan trouva sa requête suspecte et le convia dans son appartement en lui demandant d’expliciter ses intentions.</p>
<p>Hyde expliqua qu’il avait absolument besoin d’un objet coincé au fond d’une bouteille et qu’il devait par conséquent la casser, en omettant de préciser qu’il s’agissait d’argent pour payer le loyer.</p>
<p>Ses doutes dissipés, Dylan partit chercher son marteau dans sa voiture, laissant Hyde seul chez lui pendant quelques minutes. […]</p>
<p>Une fois chez lui, Hyde n’eut aucun mal à briser la bouteille et à récupérer son contenu.</p>
</blockquote>
<p>Ce qui rend cet extrait particulièrement pénible à la lecture n’est pas (seulement) son style convenu ni son passé simple d’un autre âge. Le problème du récit est la place démesurée qu’il donne à des péripéties que n’importe quel narrateur aurait éludées ou résumées en deux phrases. Au cinéma, un réalisateur n’aurait sans doute gardé qu’un plan sur le personnage qui casse la bouteille et un autre sur son contenu, la séquence aurait pris trois secondes. Dans le jeu, elle dure près d’une demi-heure, ce que la retranscription reproduit assez fidèlement. </p>
<p>Le rythme du récit d’un jeu comme son efficacité sont constamment contrecarrés par le fait que le ludique s’insinue justement dans les interstices que les autres formes de récit traitaient bien souvent par l’ellipse (ce qui n’empêche pas que ces péripéties puissent être haletantes, seulement que l’histoire ne progresse pas durant tout ce temps). C’est également vieux d’une dizaine d’années mais <em><a href="https://www.youtube.com/watch?v=FSfwQL9tqNc" hreflang="vid">Shenmue the movie</a></em> par exemple ne conservait rien des va-et-vient de chariots élévateurs, de l’achat de canettes ou de gashapons, des jeux dans les salles d’arcade, activités qui ont pourtant constitué l’essentiel de l’expérience de tout joueur du jeu.</p>
<p>Autre problème, les jeux redistribuent copieusement les positions traditionnelles d’auteur, de personnages (dont le narrateur) et de spectateur. Le joueur emprunte un point de vue externe, contrôle un ou plusieurs personnages selon des modalités prévues à l’avance, tout en restant essentiellement un spectateur.</p>
<p><em>Hotel Dusk</em> et <em>Last Window</em>, qui proposaient pourtant des scénarios formidables, n’en freinaient pas moins constamment l’immersion et l’identification au personnage dans les dialogues : si l’on pouvait orienter la conversation, le ton et le sens des répliques de Hyde déviaient fréquemment dans des directions différentes que les amorces de phrases proposées laissaient présager, créant une véritable frustration.</p>
<p>Par ailleurs, parce qu’il n’est pas comédien et parce qu’il est avant tout le destinataire du récit, pas son auteur, il ne connaît pas les ressorts internes du personnage principal, qui ne reste pour lui qu’une coquille vide. En jouant à <em>Silent Hill Shattered Memories</em> (Wii, PS2 et PSP), je me suis ainsi reproché d’avoir mis une demi-heure à appeler chez moi : n’importe quel père de famille occupé à retrouver sa fille l’aurait fait immédiatement pour vérifier qu’elle n’était pas retournée à la maison, mais pas un joueur occupé à maîtriser les commandes et une <em>wiimote</em>. </p>
<p>Dès que l’histoire reprend les rênes, le joueur est réduit à la position de spectateur, et ce qui n’était qu’un réceptacle devient un personnage. C’est ce que soulignait Randy Smith dans le magazine <em>Edge</em> (article non retrouvé) en montrant l’incohérence du personnage de Niko Bellic dans <em>GTA IV</em> : « le Niko que l’on regarde est un personnage complexe mêlant un lourd passé à un caractère solidement trempé, une loyauté envers ses amis qui ne recule devant rien, et une expérience de la criminalité durement gagnée. Par contre, le Niko que l’on joue bafoue sans raison le code de la route, prend des risques absurdes à violer la loi et enchaîne les homicides à une échelle sans précédent. » </p>
<p>Cette schizophrénie n’est pas spécifique à <em>GTA</em> ou <em>LA Noire</em>, elle est générale : les cinématiques sont toujours nécessairement « incohérentes » parce qu’elles recadrent l’avatar du joueur dans son rôle de personnage et dans son rôle de personnage seulement. Dans <em>Shenmue</em>, si Ryo Hazuki est dans les cinématiques et les QTE un adolescent traumatisé et obsédé par la vengeance, une fois dans nos mains, il n’est plus qu’un personnage éparpillé qui passe ses journées dans les salles d’arcade et collectionne les <em>gashapons</em> quelques jours après l’assassinat de son père.</p>
<p>Pour autant, si le jeu vidéo pose des défis narratifs, décréter sa déficience comme T. Kelly c’est peut-être aller vite en besogne. En effet les jeux réussissent au moins dans une direction presque abandonnée par le cinéma, impossible à rendre au théâtre et au potentiel d’innovation assez limité dans la littérature : la vue subjective.</p>
<p>Si Agatha Christie en a fait un usage célèbre dans un de ses romans, la narration à la première personne a été particulièrement travaillée par le Nouveau Roman. <em>Le Voyeur</em> d’Alain Robbe-Grillet mettait ainsi le lecteur dans l’entrelacs du flux de pensée d’un narrateur se mentant à lui-même et passant son récit par le filtre de sa mauvaise foi.</p>
<p>Au cinéma, peu de films ont basé leur dispositif sur la caméra subjective comme l’a fait Robert Montgomery dans <em>La Dame du Lac</em> (1946). Le procédé n’est utilisé que ponctuellement, et relève souvent de l’exercice de style dès qu’il se prolonge.</p>
<p><img alt="Dame du Lac" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00712decembre/dame_du_lac_02.jpg" /> <img alt="Dame du Lac" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00712decembre/dame_du_lac_01.jpg" /></p>
<p>Si le cinéma n’utilise la caméra subjective qu’avec parcimonie, c’est qu’elle échoue souvent dans son principal objectif (créer un effet de réel). Est-ce qu’à feindre de prendre le point de vue du spectateur, ces films lui rappellent paradoxalement qu’il n’en est qu’un observateur passif ?</p>
<p>Dans le jeu vidéo par contre, sans doute parce qu’elle s’accompagne d’une capacité d’agir, la vue subjective est une réussite immense : contrairement aux autres médias qui l’ont employée, la vue subjective parvient à inclure le spectateur sans jamais paraître artificielle. En fait, on pourrait même dire comme Charles Tesson que « les jeux vidéo commencent là où le cinéma s’est frayé un chemin qui a conduit à une impasse » (<em>« </em>Le héros et son spectateur<em> », Hors-série Cahiers du cinéma</em>, septembre 2002). Le passage en vue subjective dans l’affreuse adaptation cinématographique de <em>Doom</em> (2005) était presque l’aveu d’un passage de relais de la technique du cinéma au jeu 3D, la séquence ne servant que de clin d’oeil au jeu, comme si le cinéma abandonnait un dispositif qu’elle avait largement développé.</p>
<div><img alt="Doom" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00712decembre/doom_01.jpg" /></div>
<p>En tout cas ce seul dispositif, utilisé à bon escient comme <em>Silent Hill Shattered Memories</em> avait magistralement su le faire, s’avère un instrument narratif incroyablement puissant. Et pour le coup, les jeux semblent les seuls à pouvoir l’exploiter.</p>
<p><img alt="silent_hill.jpg" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00712decembre/silent_hill.jpg" /></p>
<p> </p>
<p><em>Voilà où j’en était début décembre 2011. Je le publie finalement en comptant sur l’indulgence des lecteurs de passage. <a href="https://www.polygon.com/2018/12/10/18133795/doom-movie-first-person-movie-scenes" hreflang="en">Polygon a écrit quelque chose en 2018</a> qui, au vu de son chapeau introductif, exprime sans doute mieux ce que je voulais dire à propos du « passage de relais » de la vue subjective du cinéma au jeu vidéo. Il n’est pas non plus inutile de préciser que le jeu le plus récent auquel j’ai joué doit être Dariusburst: Chronicle Saviours en 2015-2016, ce qui dit beaucoup de choses de ma connaissance en jeux au scénario ambitieux depuis un certain temps ; il en va de même du cinéma, ce qui confortera tout le monde du sort à réserver à ce texte. N’hésitez donc pas à le/me corriger par un commentaire bien senti.</em></p>https://www.lafautealamanette.org/post/L-acteur-qui-ne-jouait-pas-la-comedie#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1284Umehara Kawaseurn:md5:c4a0ecf117987d219d6a625b236144ba2023-08-26T21:50:00+02:002023-09-03T22:26:35+02:00Game Aサイレントブログ <p>Fumio Sasaki est l’auteur de <em>L’Essentiel et rien d’autre</em>, manuel de désencombrement dont vous avez entendu parler si la vague du minimalisme a baigné vos pieds. En lisant il y a quelque temps son deuxième livre traduit (<em>Ces habitudes qui font grandir votre talent</em>, 2020), j’avais été étonné de trouver quatre mentions à Daigo Umehara, que voici :</p>
<blockquote>
<p>La plupart de mes souvenirs d’enfance sont en lien avec les jeux vidéo, mais une fois le cap des 30 ans passé, j’ai arrêté d’y jouer, et je pense même que j’en étais arrivé à mépriser ceux qui passaient du temps dessus. Alors que, petit garçon, je m’amusais avec comme un fou. Or, depuis que j’ai découvert le joueur professionnel Daigo Umehara et son engagement vis-à-vis des jeux vidéo, j’ai changé d’avis sur la question.<br />
Umehara a déclaré être déjà las des jeux vidéo. Gagner un tournoi est pour lui un moyen, son seul but étant sa propre « évolution ». Pour rester au top niveau mondial, il joue pendant des heures avec le plus grand sérieux et prend des notes dès qu’il rencontre un problème. Il apporte constamment des modifications à ses méthodes de jeu. Le processus (essais et erreurs) n’est pas si différent de celui d’un sportif de haut niveau.<br />
Le fait est que, si on s’engage sérieusement, peu importe l’action, elle en vaut la peine</p>
</blockquote>
<blockquote>
<p>Daigo Umehara, joueur professionnel de jeu vidéo, a déclaré que son but était non pas de gagner des tournois, mais de continuer à progresser. Car faire de la victoire un objectif risquerait de le vider entièrement de ses forces et l’empêcherait de continuer</p>
</blockquote>
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<p>Daigo Umehara, affirme que l’on ne peut faire de progrès sans réfléchir, et ce, même si on s’entraîne longtemps</p>
</blockquote>
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<p>Selon Daigo Umehara, l’astuce, quand on veut changer, est de ne pas se demander si le changement sera bénéfique ou non. Si cela tourne mal, il suffit de changer à nouveau</p>
</blockquote>
<p>Cela témoigne-t-il davantage de leur amitié ou d’une vision de la vie particulièrement profonde dans les livres de Daigo Umehara ? Dommage qu’aucun des livres de Daigo n’ait été traduit, même en anglais, pour se faire une idée ; reste que c’était chaque fois étonnant de le voir mentionné. </p>
<p>Puisque j’y suis, digressons : tout cela me renvoie au problème du désencombrement et du minimalisme, en tout cas tels que mis en scène par les auteurs et influenceurs du domaine ; soit ils critiquent la possession de trop grandes quantités d’objets sans questionner l’acte d’achat lui-même (Marie Kondō style, on ne garde que ce qui produit une « étincelle de bonheur » mais on conserve ses habitudes consuméristes), soit ils cultivent un fétichisme paradoxal de la marchandise : les listes d’objets « essentiels » ressemblent à des passages de Bret Easton Ellis, où les marques sont omniprésentes — peu d’influenceurs minimalistes sans <em>iMac pro</em> ou gadgets <em>Sea to summit</em>, comme l’illustrent les photographies qui ouvraient le premier essai de Sasaki.</p>
<p>Plein de bonne volonté trois semaines durant pour naviguer entre ces récifs, j’ai appliqué plus ou moins cette préconisation de Samurai Matcha, un vidéaste minimaliste japonais passionné (en partie reprise de <em>Make Time</em> de Jake Knapp and John Zeratsky) : établir chaque matin son objectif du jour, ce pour quoi on peut être redevable et ce dont on veut se libérer.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/samurai_matcha01.jpg" /></div>
<p>Évidemment mon entrain s’est évaporé rapidement mais je me suis rendu compte que se dissuader d’un achat (« L ») occupait beaucoup mon esprit et ces listes.</p>
<p>En conclusion, je suis davantage Kondō que Fumio, et l’acte d’achat reste un lien à la société de consommation qui peut libérer : depuis que j’ai enfin les OST vinyles d’<em>Art of Fighting 3</em> et de <em>Galaxy Force 2</em>, je n’y pense plus (d’autant moins que je n’ai pas de platine pour les écouter).</p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Artoffighting3.png" /></p>
<p>« H » : revendre des vinyles sur vinted</p>
<p>« G » : ma tranquillité d’esprit regagnée</p>
<p>« L » : arrêter de croire que je peux raisonner mes compulsions</p>
<p> </p>
<p>PS : un passage concernant feu-Twitter du 2e livre de Sasaki :</p>
<blockquote>
<p>Si je ne prends aucune mesure, je me retrouve souvent à errer sur Twitter. J’ai l’impression que l’envie de voir les réactions à mes tweets est plus forte que moi. Au moment où je rédige ce livre également, les idées fusent dans ma tête et j’ai envie de les poster sur Twitter. Mais si je venais à le faire, je passerais tout mon temps à guetter et à lire les réactions, et ne pourrais avancer sur ce projet.<br />
J’ai créé une note dans mon smartphone intitulée « Twitter ». Quand j’ai une idée précise de tweet, je la « poste » dedans. L’effet est immédiat. Je pensais que la récompense que j’obtenais en utilisant ce réseau social était les like et les retweets de mes abonnés, mais en réalité, il s’agissait de « conserver mes idées ». En les notant, et même si personne d’autre que moi ne peut les lire, j’éprouve un grand sentiment de satisfaction.</p>
</blockquote>
<p> </p>
<p> </p>https://www.lafautealamanette.org/post/Umehara-Kawase#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1434L'incident de Sakaiurn:md5:da57ece7817808e54f41edbd2fa45f612023-08-23T16:06:00+02:002023-08-24T17:17:38+02:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__1_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__2_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__3_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__4_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__5_.jpg" /></div>
<p>Voilà « l’incident de Sakai » tel que décrit par Hiroshi Hirata dans le recueil du même nom (<em>L’Incident de Sakai et autres récits guerriers</em>, Delcourt, 2009). La description qu’en fait Emmanuel Faubry (<em>L’Engagement des officiers français dans la fin du shogunat et la restauration de Meiji (1867-1869)</em>, 2020) est bien différente : </p>
<blockquote>
<p>Le matin [du 8 mars 1868 à Sakai, près d’Ōsaka], le capitaine Bergasse du Petit-Thouars (qui a relaté l’incident en détails à partir de témoignages des survivants) envoie une chaloupe à vapeur, commandée par l’aspirant Guillon, et une baleinière, commandée par l’enseigne de vaisseau Pâris, dans le port de Sakai afin d’y effectuer des relevés hydrographiques et chercher le capitaine Roy et le consul de France qui doivent y arriver en milieu de journée. Sur la chaloupe à vapeur du Duplex, Bergasse a envoyé seize hommes dont l’aspirant Guillon, premier maître Le Meur et le deuxième maître mécanicien Durel. Certains des hommes ont des révolvers, mais à bord de la baleinière de la Vénus personne n’est armé. Une fois à quai, Paris laisse les hommes sous la surveillance de Guillon tandis qu’il part faire des sondages avec la baleinière. Guillon a ordre de rejoindre le milieu de la rade si les Japonais deviennent trop curieux ou agités. Mais la population est très bienveillante: les Japonais viennent offrir des fruits et des gâteaux aux marins. Pâris revient deux heures plus tard et part sonder un autre point de la rade. C’est alors que Le Meur et Durel demandent l’autorisation à Guillon de se promener le long du quai. Comme d’autres marins avaient mis pied à terre sans souci et que la population était toujours amicale, la permission leur est accordée.<br />
<br />
Quinze minutes plus tard, alors qu’ils atteignent le bout du quai, deux cents mètres plus loin, ils sont interpellés par un homme en armes qui pousse un cri. Tout à coup, ils sont encerclés par une soixantaine d’hommes de Tosa armés de fusils, de sabres et de bâtons. On leur lie les mains. Le Meur résiste mais Durel lui dit de se laisser faire et tente de s’expliquer aux Japonais. Un peu plus tard, voyant qu’on les emmène vers l’intérieur de la ville et qu’on ne les écoute pas, Le Meur préconise la fuite. A peine se sont ils dégagés de leurs agresseurs que les coups de feu commencent. Le Meur fuit vers la chaloupe poursuivi pas les Japonais. Durel se jette à l’eau. Le Meur arrive en courant à la chaloupe à vapeur et s’écrie « Pousse au large, nous sommes perdus, voici la garde! » et Guillon répond « Coupe les bosses, machine en avant ! ». Mais il est trop tard: les Japonais ouvrent le feu sur eux et les autres matelots à bout portant. Les balles coupent les tuyaux à vapeur, les marins se jettent à l’eau et se cachent derrière la chaloupe. Les Japonais continuent à faire feu jusqu’à que les Français cessent de donner signe de vie, puis, ils prennent la fuite. Depuis la baleinière, Paris et ses hommes regardent la scène, impuissants. Ils essuient des tirs de fusil mais essaient tout de même de s’approcher pour sauver des marins qui se seraient jetés à l’eau. Ne voyant plus personne donner signe de vie non plus, ils rejoignent la flotte. Parmi les seize marins de la chaloupe, sept sont pourtant encore vivants, quoique tous soient blessés à l’exception de Durel qui, lui, ne sachant pas nager, a failli se noyer! En effet, ils se sont pour la plupart cachés dans l’eau derrière la chaloupe. Un des sept avait été assommé et laissé pour mort mais la population japonaise l’a ramené à bord de la chaloupe une fois les hommes armés partis. Durel, remonté dans la chaloupe, aide les blessés à se hisser dedans. Puis, ils rament jusqu’à la sortie du port et font voile pour regagner la flotte. Deux des blessés meurent peu après. Au total, onze marins ont été assassinés dont l’aspirant Guillon, âgé de vingt-deux ans.</p>
</blockquote>
<p>Pas de mention de violences des Français, encore moins de tentatives de viols comme sur les images. Pas de drapeau que les soldats volent au passage mais, côté français, le pavillon de la baleinière a été perdu au cours des événements. Faut-il croire pour autant, comme nous l’assure Mitsuhiro Asakawa, « éditeur de la version japonaise chez Seirinkögeisha », que « la vérité reste largement inconnue » (tout en précisant deux lignes après que la version de M. Hirata repos[e] sur la vérité historique ») ? En tout cas, le 10, quand Léon Roches demande aux « envoyés du gouvernement impérial […] si quelque acte des marins ou quelque parole avait pu déclencher les hostilités, [ils] répondent qu’« au contraire, la conduite et l’attitude de ces marins étaient parfaitement exempte de tout reproche et que l’agression avait eu lieu sans l’ombre d’un prétexte.» Les officiers de Tōsa interrogés par les autorités japonaises ont prétendu n’avoir pas eu connaissance des traités stipulant le libre accès à Sakai. Enfin quand Roches leur a demandé si le fait que ces hommes soient français soit en cause, ils ont répondu que non, que les agresseurs étaient animés d’une haine contre tous les étrangers.  » </p>
<p>Autre moment : </p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__12_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__13_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__15_.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_08aout/Incident_de_Sakai__16_.jpg" /></p>
<p>Celui-là est plus facile à mettre en doute : Léon Roches, ambassadeur, n’est pas présent durant l’éxécution. De plus il est bien peu probable que les exécutions se fassent au milieu d’un bain de sang (les samurai refuseraient une telle impureté, et d’après Bergasse (qui n’est encore que capitaine de frégate), après chaque mort, « huit hommes arrivent, enlèvent le corps et ce qui a servi au supplice, enveloppent le tout dans les nattes et dans le grand linceul qui recouvre la surface de l’exécution, et aussitôt le lieu est préparé de nouveau » (p.101) :</p>
<blockquote>
<p>Ce mode d’exécution laisse une profonde impression à Bergasse mais ce qui le gêne le plus est qu’il n’y a pas d’ignominie dans cette mort. Le condamné qui ne reste pas infâme jusqu’au dernier moment devient un martyr selon lui. Ce qui s’est avéré exact car le tombeau des condamnés est devenu objet de vénération de la population japonaise peu après. L’objectif n’est donc pas atteint. Bergasse décide d’arrêter le cours de cette réparation après la onzième exécution. En plus de l’inefficacité de la punition, il souhaite donner une preuve de modération après que la France a montré toute sa force. Et puis la nuit vient, le vent se lève et il est plus prudent de regagner les embarcations avant l’obscurité. Il fait part de son intention à Godai. Le douzième condamné marchait d’un pas ferme vers le lieu de supplice quand on lui fait signe de revenir sur ses pas, il s’incline lentement et revient tranquillement « sans que rien dans sa physionomie trahit la moindre émotion » remarque Bergasse. Il fait nuit noire lorsque Bergasse arrive sur la Vénus et le vent souffle fort. Roches qui arpentait le pont avec Roy interroge Bergasse et se montre fort mécontent de sa décision. Puis, il se calme et tombe d’accord sur le fait que cette preuve de modération pourrait leur être favorable.</p>
</blockquote>
<p>Peut-on dire également que Roches rentre « tout penaud » en France ? Cet attentat entraîne « le début des relations officielles entre le gouvernement impérial naissant et les nations occidentales. Et c’est à cause du massacre de Sakai que la France est la première à être mise en relation avec l’Empereur » (audience à Kyoto le 23 mars). Cela n’enlève rien au fait que Roches et les représentants français ont pris le parti du shogun — Roches a été peu sensible au charisme du jeune empereur (« sa figure n’offrait aucune trace d’intelligence »). C’est pour ce choix qu’il « <a href="https://www.neababeloued.fr/academie_delphinale.html" hreflang="fr">fut appelé en France et mis en disponibilité avec, à titre de consolation, le grade de ministre plénipotentiaire</a> », pas à la suite de « l’incident » de Sakai (quel drôle d’euphémisme). </p>
<p>J’ai du mal à suivre Mitsuhiro Asakawa pour qui « ce que M. Hirata décrit ici, c’est une tragédie causée par une différence culturelle, et absolument pas par un nationalisme étroit. » Il y a effectivement un malentendu culturel, la « modération » française étant perçue comme une marque de faiblesse, mais l’oeuvre d’Hirata prend tellement parti qu’elle ne permet pas de la saisir. Par contre, ce nationalisme, je le décèle autant dans l’événement historique que dans les intentions du mangaka. C’est peu dire que cela tempère mon plaisir de lecture.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/L-incident-de-Sakai#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1433Why do you come back ? (エンディング)urn:md5:ecf3d5e70b52196335dea07f30eb4c982023-08-22T14:05:00+02:002024-01-30T21:27:43+01:00Game Aサイレントブログ <div><img alt="" class="media media-center" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/tumblr_p2jr0cUUSE1qz85nvo1_400.png" /></div>
<p>Ce petit coin est voué à remplacer mes comptes tumblr et twitter.</p>
<p>Si les futurs billets dans cette catégorie n’apparaîtront pas sur la page d’accueil, c’est que j’y déposerai des choses encore moins intéressantes, moins abouties, et surtout moins centrées sur le jeu. Vous voilà prévenus.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Extend-play#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1432Perry en la demeureurn:md5:a9a08044a9a8fc257431994e844770242023-07-18T21:46:00+02:002023-07-31T11:04:09+02:00Game AÇa dénonce grave <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/Cipango_-_Warzard.jpg" /></div>
<p><em>War-zard</em> n’est pas le jeu de combat le plus connu de Capcom, malgré sa grande réussite visuelle. Situé dans un monde parallèle, sa géographie reste très proche de la nôtre. Ainsi, leur « Zipang » dit sans doute beaucoup de choses sur leur vision du Japon réel. Ainsi, dans le décor de Kongō, on repère au moins trois¹ vaisseaux flottants au-dessus d’un village en feu, sorte de Hollandais volants du futur.</p>
<p>Une technologie venue d’ailleurs qui apporte le malheur. La signification n’est pas bien complexe, elle reprend une énième fois l’imaginaire du <em>kurofune</em>, du « grand navire noir », selon lequel les occidentaux, en abordant les rives du Japon, ont apporté destruction et perte d’identité.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_07juillet/kongou_oni.jpg" /><span class="legende">Présentation de Kongō dans <em>Capcom Fighting Collection</em>, identique à son descriptif dans <em>All About Warzard</em>, 1996.</span></div>
<p>La liaison entre bateaux noirs, occident et démon (<em>oni</em> en ce qui concerne Kongō) est elle-même ancienne. Voici comment le <em>Kirishitan Monogatari</em>, un texte anonyme de 1639, décrivait (probablement) Alessandro Valignano, missionnaire jésuite qui a débarqué deux fois au Japon, en 1590 et 1598 (l’année suivante, en 1640, les Portugais étaient expulsés du Japon) :</p>
<blockquote>
<p>Sous le règne de l’empereur Go-Nara no In, le cent huitième empereur depuis les temps de Jimmu, quelque part pendant la période Kōji, un navire de marchandises des barbares du Sud a atteint nos terres. De ce navire, pour la première fois, est sorti une créature innommable, d’une certaine manière semblable à la forme d’un être humain, mais ressemblant plus à un démon au long nez ou au démon géant Mikoshi Nyūdō. Après un interrogatoire, on a découvert que c’était un être appelé Bateren. La taille de son nez a été la première chose à attirer l’attention: il ressemblait à une coquille (bien que sans la surface rugueuse), agrippé comme une ventouse à sa figure. Les yeux étaient aussi grands que des lunettes et l’intérieur était jaune, sa tête était petite. Il avait aux mains et aux pieds de longues griffes. Sa hauteur dépassait les sept pieds et était toute noire; seul son nez était rouge. Ses dents étaient plus grandes que les dents d’un cheval. Ses cheveux étaient grisâtres […] Ce qu’il disait ne pouvait être totalement compris : sa voix ressemblait au ululement d’un hibou. Tous coururent le voir, remplissant les rues dans un total désordre. Et tous ont été d’accord pour dire que cette apparition a été plus effrayante que celle du plus terrifiant des démons […] »</p>
</blockquote>
<p>Si les voiles des bateaux dans le décor les rattachent à la <em>Nau do trato</em> des commerçants et missionnaires portugais, puis des Hollandais durant les deux siècles de fermeture du Japon (à l’exception du commerce annuel avec les Néerlandais et les Chinois à Nagasaki), la roue sur le côté, de même que l’état du village, évoquent plutôt la flotte et la politique de la canonnière du Commodore Perry, qui força (ou seulement brusqua ?) l’ouverture du pays par la menace militaire en 1853 et 1854.</p>
<p>Le décor synthétise ainsi deux périodes de contact avec les occidentaux (comme l’expression <em>kurofune</em> d’ailleurs, qui peut désigner l’une ou l’autre), et c’est là que le bateau blesse, il mélange les problématiques de l’une et de l’autre. Plus grave, le décor contribue à exprimer une vision catastrophiste de ces rencontres qui, sinon fausse, n’est que partielle.</p>
<p>En effet, que l’on parle des <em>Nau do trato</em> portugais ou des vaisseaux américains, et c’est moins fréquemment mis en avant, ils ont suscité aussi un grand intérêt parmi la population, aisée comme modeste. Au 17e, c’est la mode de l’art <em>nanban</em> (« barbares du Sud ») qui nous le prouve, particulièrement les fastueux paravents produits par l’école Kanō, « datables de la période 1593- 1605 » pour les « plus anciens que l’on connaisse » jusqu’aux années 1680, soit « soit quarante ans après l’expulsion des Portugais du territoire ». Il ne faut pas oublier en effet qu’ils ont été « réalisés pour une clientèle exclusivement japonaise et non européenne » ; les Européens ne commandaient ni n’achetaient ces paravents, d’où leur rareté dans les collections muséales occidentales aujourd’hui encore. (Alexandra Curvelo, <em>Chefs-d’œuvre des paravents Nanban Japon – Portugal XVIIe siècle</em>, 2015, pour les citations et les prochaines). En fait,</p>
<blockquote>
<p>« les paravents nanban ont pu être vus comme portant chance et richesse (<em>engimono</em>), de la même façon que l’étaient les embarcations venues de la pleine mer chargées de toutes sortes de trésors (<em>takarabune</em>). Si nous considérons que quelques-uns de ces paravents ont appartenu à des familles de marchands de Sakai et de la côte de la mer du Japon engagés dans le commerce maritime, cette hypothèse se voit clairement renforcée. »</p>
</blockquote>
<p>Un autre passage, pour aller plus loin :</p>
<blockquote>
<p>Si la thématique représentée sur ces paravents est bien liée aux Européens, certains éléments présents dans ces narrations visuelles sont directement associés à une iconographie traditionnelle japonaise. C’est le cas de la Nau do Trato ou du navire <em>nanban</em>, qui a pu symboliser le navire du trésor (takarabune), symbole de richesse et de bonheur, devenu un motif de bon augure apprécié des marchands engagés dans le commerce maritime. C’est une image dont la provenance artistique se trouve dans les <em>Tosen zu byōbu</em> produits au XVe siècle, c’est-à-dire sur des paravents représentant un navire chinois et la procession d’étrangers après le débarquement. Bien qu’aucun exemplaire de ces pièces décrites dans les textes ne soit arrivé jusqu’à nous, il existe cependant des échos du thème dans des ouvrages du début de la période Edo.<br />
<br />
Le navire noir présente dès l’abord une particularité, puisque le noir a dans la culture japonaise une connotation distincte, couleur simultanément négative et positive. Cette résonance symbolique renvoie, dans sa facette négative, à l’image des limites du monde connu, alors que le blanc est symbole de pureté et de centralité, raison pour laquelle les navires chinois étaient appelés shirofune (navires blancs).<br />
<br />
Dans le cas des paravents nanban, ce double sens se rattachait au fait qu’il s’agissait de quelque chose d’inconnu ; par exemple, selon la tradition populaire nipponne, tout objet ou personne arrivant de la mer après avoir fait naufrage était considéré comme un trésor. Cette croyance était personnifiée par Ebisu, un des sept dieux de la chance et divinité protectrice des marchands, dont le nom, curieusement, signifie «barbare» ou «étranger».<br />
<br />
Dans la perspective d’une vision surnaturelle du monde inconnu au Japon, qui à partir de 1543 intégra aussi les nanban-jin et le attributs et images qui leur étaient directement associés, on peut mieux comprendre la raison pour laquelle, même après l’expulsion des ordres religieux du territoire en 1614 et des Portugais en 1639-1640, quelques éléments associés à une culture nanban, comme la croix, qui commença même à être utilisée dans la décoration vestimentaire, soient restés comme symboles de protection et de prospérité.</p>
</blockquote>
<p>De la même manière, tout à nos connaissances sur le renversement du <em>bakufu</em>, le mouvement <em>Sonnō jōi</em> (« gloire à l’Empereur, expulser les barbares »), les attentats contre les Anglais, les Français, etc., on néglige aussi la curiosité et l’enthousiasme réels dont témoignent là encore les productions artistiques de l’époque, <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/kawaraban" hreflang="fr">prospectus</a>, estampes ou emaki, comme ci-dessous le <em>kurofune raikō fūzoku emaki</em>, où des habitants bravent l’interdiction gouvernementale et contemplent les bateaux étrangers dans la baie de Tōkyō.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/Kurofune_raiko_fuzoku_emaki_________.jpg" /></div>
<p>Entre 1860 et 1864, les estampes dites <em>Yokohama-e</em> rencontrèrent ainsi un grand succès, car</p>
<blockquote>
<p>la vie des « barbares au long nez », ainsi qualifiait-on les étrangers, intriguait et passionnait au plus haut point les Japonais. Leur stature, leur couleur de cheveux et leurs yeux clairs les étonnaient. Leur façon de se vêtir, de se nourrir ainsi que leur art de vivre devint l’un des sujets de prédilection des peintres. Ils furent représentés vaquant à leurs occupations, dans leurs demeures comme à l’extérieur. L’intérieur des maisons, le mobilier, les luminaires de tous styles furent ainsi dessinés dans les moindres détails. Ne pouvant pénétrer dans les demeures des étrangers, les peintres s’inspirèrent largement des gravures occidentales qu’ils adaptèrent. (Brigitte Koyama-Richard, <em>Tôkyô, nouvelle capitale: Les estampes japonaises de l’ère Meiji</em>, 2022)</p>
</blockquote>
<p>Evidemment, des points de vue diamétralement opposées existaient, beaucoup de Japonais, les mêmes peut-être, ont pu en avoir des sueurs froides, ou des insomnies, à la manière d’un poème satirique célèbre.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/221037.jpg" /><span class="legende">Sean Michael Wilson, Akiko Shimojima, <em>Funestes vaisseaux</em>, 2020.</span></div>
<p>Toujours est-il, comme cette poésie qui a plusieurs significations, que les œuvres qui, de nos jours, évoquent uniquement le rejet et la peur participent à une construction historique partiale et faussée ; et, de toute façon, les dernières décennies du règne des Tokugawa n’avaient rien d’un « monde calme et paisible ».</p>
<p>À ce titre, la série <em>Goemon</em> (désolé) est encore emblématique. Les développeurs ont-ils une intention politique ? S’agit-il plutôt d’un trope commode pour des scénaristes sans imagination ? Est-ce parce que l’identité japonaise traditionnelle qu’ils veulent insuffler à leur série les conduit « naturellement » à lui opposer ce qui s’en distingue (ce qui, même involontairement, les fait tomber dans un discours politique) ? Toujours est-il qu’elle l’évoque directement trois fois², dans <em>Ganbare Goemon 2: Kiteretsu Shōgun Magginesu</em> (« le très étrange grand général McGuiness »), <em>Ganbare Goemon: Kurofune Tō no Nazo</em> (1997) et <em>Ganbare Goemon: Tōkai Dōchū Ōedo Tengu ri Kaeshi no Maki</em> (Nintendo DS), qui met en scène un « général Peruri » affublé d’un masque de <em>tengu</em> au long nez.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/peruri_san.jpg" width="100%" /></div>
<p>Toutes les cases du bingo sont cochées, l’esthétique du <em>tengu</em> tel qu’on le connaît (grand, nez long et rouge) ayant partie liée avec la représentation des étrangers³. </p>
<p><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_07juillet/Shogun_Magginesu_-_Mahjong_Fight_Club_Sp_-_01.webp" style="margin: 0 auto; display: table;" /></p>
<p>Un autre antagoniste de la série, le shōgun Mc Guiness, est plus intéressant encore. S’il est devenu artisan laqueur dans l’épisode DS, il apparaît d’abord dans <em>Ganbare Goemon 2</em> (SFC, 1993) où il prend temporairement le pouvoir. Le <a href="https://youtu.be/c1DvmALlFpo?t=12244" hreflang="vi">dialogue entre Goemon et lui, une fois vaincu</a>, paraît résumer une époque :</p>
<blockquote>
<p>Mc Guiness: I just… I love Japan more than anyone! My love is PURE! I took pride in that! I wanted to make sure Japan’s culture lived on! […]</p>
<p>Goemon: What are you talking about!? We don’t need you meddling in our affairs! Japan’s culture is firmly rooted in our hearts!</p>
</blockquote>
<p>Mc Guinness y apparaît comme l’archétype de ces occidentaux, émerveillés par le pays et sa culture, et qui étaient volontiers catastrophés par les changements dans un pays « fait trop vite table rase d’une foule de coutumes, d’institutions, d’idées même qui faisaient sa force et son bonheur » (Émile Guimet, <em>Promenades japonaises : Tokyo-Nikko</em>, 1880). Le peintre Félix Régamey, qui l’accompagnait, pensait carrément assister « à la fin de ce monde merveilleux, artistique, poétique, plein de douceur qui s’en va sombrer dans le sombre fatras de la civilisation occidentale » (lettre à sa mère, 1876).</p>
<p>Ainsi achetaient-ils avidement estampes, objets religieux (Guimet achète des centaines d’objets liturgiques à la faveur de la mise au ban du bouddhisme à la restauration de Meiji), comme s’ils voulaient sauver des pans de la culture japonaise (du moins celle qu’ils imaginaient, qu’ils achètent des paysages idéalisés ou qu’ils en soient les commanditaires) que les Japonais eux-mêmes négligeaient :</p>
<blockquote>
<p>Depuis 1896 (après la guerre sino-japonaise), le marché de l’ukiyo-e tire s’est effondré face à la popularité grandissante de la lithographie, de la photo et des estampes aux pigments bon marché. Même lorsqu’une excellente gravure de style ukiyo-e est publiée, son prix est trop élevé en raison des coûts de production exorbitants. Seuls les étrangers en trouvent de l’intérêt à ces réalisations. (article du Asahi Shinbun, 25 février 1908, cité par Brigitte Koyama-Richard , <em>Shin Hanga: Les estampes japonaises du XXe siècle</em>, 2021)</p>
</blockquote>
<p>Entre parenthèses, cela tord aussi l’idée aussi d’une imposition du modèle occidental par les occidentaux eux-mêmes. C’était bien l’Empereur qui impose le complet veston, les classes dirigeantes qui importent les techniques, les mœurs occidentales, « les Japonais instruits ont [une sorte de honte] des croyances admises dans leur pays :</p>
<blockquote>
<p>Lorsque le Japon s’est ouvert aux idées européennes, les Japonais qui étaient à la tète du mouvement ont eu le tort, à mon avis, d’être trop humiliés d’une infériorité qui n’était qu’apparente. […] Le Japon n’a pas assez confiance dans les mœurs du Japon. (Guimet pour les deux citations.)</p>
</blockquote>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_07juillet/kitaro_202.png" /><span class="legende">Kitaro le repoussant, tome 4, éditions Cornelius, p. 202 (détail).</span></div>
<p>La colère outrée de Goemon se trompe donc d’objet. Ceci dit, est-elle vraiment sincère ? Regardez comment Mc Guiness, qui se voulait aussi japonais qu’un Japonais (le tablier), se ridiculise finalement par son accoutrement (la mandarine ornée de <em>gohei</em> en pendentif) et sa fourchette. On voudrait sous-entendre que, malgré toute sa sincérité, un étranger ne pourra jamais comprendre le Japon, jamais s’assimiler, on ne s’y prendrait pas autrement. Sur les paravents, on n’exprimait pas differemment ce désir de singularité absolue désigné plus tard par le concept de <em>nihonjinron</em> : </p>
<blockquote>
<p>Prenant en considération la période historique que le Japon traversait alors - celle de l’unification territoriale, qui coïncidait avec une présence occidentale à l’intérieur du pays, on comprend la nécessité de travailler et de fixer une vision sur l’« autre ». Ce n’est pas par hasard que les nanban-jin sont représentés de façon presque caricaturale et stéréotypée avec de grands yeux fendus, un long nez, un menton proéminent, des oreilles saillantes - et, dans les cas indiqués, associés à une façon d’être peu conforme aux modèles japonais. (Alexandra Curvelo, <em>Chefs-d’œuvre des paravents Nanban)</em></p>
</blockquote>
<p>Goemon se trompe peut-être de colère, mais il est sûr également que de telles références aux <em>kurofune</em> contribuent à tromper les joueurs, japonais en premier lieu. Comme une manière, alors que les maisons brûlent, de faire regarder en l’air, plutôt que le monstre en face de soi. </p>
<p> </p>
<p>¹ Le décor en tête de l’article n’est pas complet, il y a bien un troisième navire sur la droite (<a href="https://www.arcadequartermaster.com/capcom/re_1.html" hreflang="en">si vous voulez vous en assurer</a>). <em>All About n°17 Warzard</em> (merci Pixoshiru !) présente deux croquis préparatoires (le premier mentionne « Japon » et « Edo », et en oublie la fiction d’un Zipang parallèle). Les deux précisent que les navires au second plan sont comme des <em>kurofune</em>, en hiragana dans le premier (くろふね), en kanji dans le second (黒船).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_07juillet/warzard_concept_kurofune1.jpg" /><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/000_07juillet/warzard_concept_kurofune2.jpg" /></div>
<p>² Je passe sur les épisodes où Goemon est aux prises avec des extraterrestres, dont le premier jeu sur N64 où le joueur doit empêcher « <a href="https://goemon.fandom.com/wiki/Mystical_Ninja_Starring_Goemon" hreflang="en">le gang des shoguns de la montagne de la pêche de transformer le Japon en un théâtre à l’occidentale</a> ».</p>
<p>³ « Le nez proéminent et le teint rougeaud sont à l’origine de la croyance populaire selon laquelle l’invention des<em> tengu</em> pourrait avoir été inspirée par l’apparence étrange des premiers étrangers arrivés au Japon il y a des siècles. » nous dit Kagawa Masanobu, conservateur en chef du Musée d’histoire de la préfecture de Hyôgo. Mettons-nous d’accord que la « simple [existence de la] croyance populaire », même si elle est historiquement fausse, suffit à lier <em>aujourd’hui</em> et dans certains contextes <em>tengu</em> et étranger. Dans le <a href="https://www.nippon.com/fr/japan-topics/b02507/?pnum=3" hreflang="fr">même article</a>, M. Kagawa signale l’existence d’une « théorie selon laquelle la première personne qui ait conçu une version du <em>tengu</em> proche de son apparence moderne était Kanô Motonobu (1476-1559), l’artiste qui a amené l’école de peinture Kanô sur le devant de la scène. Motonobu, qui avait été chargé de peindre un tengu, était embarrassé à l’idée de devoir peindre quelque chose qu’il n’avait jamais vu, quand une étrange créature lui apparut en songe. Il dessina exactement ce qu’il avait vu dans son rêve et fut ainsi à même d’honorer sa commande. »</p>
<p>Notons qu’il s’agit du même Kanô Masanobu qui a fixé les règles de composition des paravents <em>nanban</em> évoqués plus haut, ce qui le met au centre à la fois d’une représentation idéalisée et positive des étrangers (faste des habits notamment) et d’une autre, caricaturale et négative.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Kabuki2#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1422Au noir, au service des puissantsurn:md5:ddee77a873c887c57eb3a448ca97037d2023-07-01T11:23:00+02:002023-09-03T22:24:57+02:00Game ALa Vie vs les jeux vidéo(s) <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/1500x500.jpg" /></div>
<p>J’aurais parié qu’ils étaient là, les deux <em>kuroko</em>, tellement ils paraissaient indissociables de la série <em>Goketsuji Ichizoku</em> (<em>Power Instinct</em>), et pourtant non : ces personnages en noir qui encouragent les combattants ne sont pas systématiquement présents dans les décors de <em>Matrimelee</em> (<em>NeoGeo</em>, 2003) — et dans ce cas, il n’y en a qu’un seul.</p>
<p>Unique et passif, il ne sert plus ni d’arbitre, ni de <em>supporter</em>, mais sa discrétion trahit toujours sa servilité. On le reconnaît bien dans le portrait des domestiques brossé par Alizée Delpierre, dans <em>Servir les riches</em> (2022) :</p>
<blockquote>
<p>[Ils] s’effacent au maximum en se déplaçant sans bruit, en restant silencieu[x] et en baissant le regard, et leurs patrons ne les regardent pas, y compris même, parfois, lorsqu’ils leur donnent explicitement des ordres. Les domestiques font ainsi partie du décor : « être meubles »</p>
</blockquote>
<p>De ce point de vue, <em>Goketsuji</em> comme <em>Samurai Shodown</em> (puisqu’il y en a un aussi dans cette série) ne se trompent pas quand ils leur prêtent des capacités (explosifs divers, disparition, souplesse) et des atours de ninja. En fait, c’est d’autant plus à propos que ce sont ces <em>kuroko</em> qui pourraient avoir inspiré notre image du ninja, et pas l’inverse (Stephen Turnbull, <em>Ninja AD 1460-1650</em>, 2012, p. 17) :</p>
<blockquote>
<p>The earliest pictorial reference to a ninja in black is a book illustration of 1801, which shows a ninja climbing into a castle wearing what everyone would immediately recognise as a ninja costume. However, it could simply be that it is pictures like these that have given us our image of the ninja rather than vice-versa. It is a long-standing artistic convention in Japan, seen today in the Bunraku puppet theatre [et au Kabuki], that to dress a character in black is to indicate to the viewer that he cannot see that person. To depict a silent assassin in an identical way in a picture would therefore be perfectly natural and understandable to the contemporary Japanese viewer, and need not imply that the resulting illustration is in any way an actual portrait of a ninja.</p>
</blockquote>
<p>Ainsi donc une convention artistique en lien avec le Kabuki aurait forgé notre représentation de ce combattant furtif qui, dans un tel accoutrement, n’aurait pu qu’être empêché dans ses missions sitôt sorti de la pénombre des maisons japonaises et des nuits sans lune ; son invisibilité provenait de ses talents de déguisement, pas d’un habit qui l’identifiait immédiatement en tant que mercenaire. Selon Anthony Cummins, les ninjas « auraient plutôt revêtu des armures légères pour des raids nocturnes et la tenue du samouraï, ou un équipement militaire, pour des missions furtives. » (préface au manga <em>Les Secrets du ninja: Enseignements Shinobi de maître Hattori Hanzo</em>, 2015).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/cyh0b6jlpnu21.jpg" /></div>
<p>En tout cas, comme le premier boom de popularité de la figure du ninja serait dû au théâtre Kabuki début 19e (<a href="https://ja.wikipedia.org/wiki/%E5%BF%8D%E8%80%85%E5%B0%8F%E8%AA%AC" hreflang="ja">wiki</a>), on se dit que tout est dans tout. </p>
<p>Puisque l’on parle de ninja et de Kabuki, permettez un petit retour sur Goemon (<a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Goemon%2C-depuis-que-le-tabac-existe">taf initiale</a>). Son premier acolyte (version MSX2 de <em>Ganbare Goemon! Karakuri Dōchū</em>, 1987) était Nezumi Kozō, un autre voleur historique censé avoir aussi redistribué le fruit de ses larcins. Dans le roman <em>Les Huit chiens des Satomi</em> (2013 pour sa traduction française, 1964 à l’origine), Yamada Futarō en fait le portier du Nakamura-za, une salle majeure du Kabuki d’Edo, distribuant les billets à Hokusai et Kyokutei Bakin, auteur du <em><a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nans%C5%8D_Satomi_Hakkenden" hreflang="en">Nansō Satomi Hakkenden</a></em>, en septembre 1825 (c’est Hokusai qui parle en premier) :</p>
<blockquote>
<p>Vous avez entendu parler de ce monte-en-l’air, Nezumikozô, qui a été exécuté en place publique à Kozukappara le mois passé ?<br />
— Oui, j’en ai eu vent.<br />
C’était un euphémisme. A preuve, si son journal était accaparé par les notes touchant au ménage, et la vie sociale tout au plus représentée par les sinistres et les inondations, on trouvait quand même cette exception en date du dix-neuf août : Exécuté ce jour le cambrioleur Nezumikozô Jirôkichi, appréhendé au début du cinquième mois [1832], après avoir été traîné par les rues d’Edo ; foule nombreuse en maints endroits, dit-on.<br />
— Rappelez-vous… Quand nous sommes allés voir Les spectres de Yotsuya, au Nakamura, ce portier qui nous a conduits sous la scène, eh bien, il semblerait que ce soit cet homme, ce Izumiya Jirôkichi.<br />
— Pardon ? Bakin ouvrit de grands yeux. Lui, Nezumikozô ?<br />
— Il s’est fait mettre le grappin dessus alors qu’il s’était introduit chez Matsudaira Machinchose, un seigneur qui réside à Hamachô, mais avant cela on dit qu’il avait écumé plus d’une centaine de résidences de notables.</p>
</blockquote>
<p>Digression au cube. Le design de Nezumi Kozō peut décevoir, surtout comparé à Goemon (et c’est probablement la raison pour laquelle il a été remplacé dans les jeux suivants par Ebisumaru), mais il faut remarquer qu’il se contente de décalquer l’apparence du personnage dans les pièces et les films qui lui étaient consacrés (ci-dessous une <a href="https://www.oricon.co.jp/news/2051396/full/" hreflang="ja">statue de Nakamura Kanzaburō XVIII en Nezumi</a> dans le quartier d’Asakusa à Tokyo).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/Nzumei.jpg" /></div>
<p>En fait, et c’est une réflexion dont je réserve le développement ailleurs, mais les personnages de jeux (et, pour ce qui m’intéresse, les jeux de combat en particulier) n’emploient généralement les personnages « historiques » que dans leur version popularisée par la littérature et la culture populaires (Kabuki et cinéma, très liés de toute façon pendant longtemps, mangas…). Un peu comme si, alors que Vercingétorix est étudié dès la primaire, que les images d’Épinal sont nombreuses le concernant, un jeu allait préférer utiliser la version avec Christophe Lambert. Ok l’exemple n’est pas heureux.</p>
<p>Revenons aux kuroko. Je dis <em>les</em> car ils n’ont pas d’autre appellation, ni de manière de les distinguer, de génération en génération.</p>
<blockquote>
<p>Donner le même prénom […], aux employées qui se succèdent sur un même poste est une façon de réduire leur identité à leur statut de domestique et de marquer les frontières de classes.¹</p>
</blockquote>
<p>Cette frontière de classe est particulièrement injuste chez les Goketsuji : contrairement aux domestiques habituels, qui « en entrant au service des riches, […] s’entendent dire qu’[ils] sont des membres de la famille »¹, les <em>kuroko</em> appartiennent pleinement au clan, tous descendants du 7e enfant d’une fratrie de 8, ostracisé pour avoir fait trop d’enfants à trop de femmes, « ce qui a conduit à une extrême pauvreté »². Et depuis quatre générations, le remboursement de la dette se poursuit, alors même que le clan Goketsuji est devenu entretemps richissime, depuis qu’Oshima Goketsuji (1893-) a, excusez du peu, découvert gisements de pétrole, trésors cachés et gagné plusieurs fois à la loterie. Le ruissellement n’existe pas jusqu’au sein d’une famille — il est vrai que les Goketsuji sont « aveuglés par l’avidité », selon la chanson <em>Shinobi Ai Goketsuji</em> (<em>Matrimelee</em>). </p>
<p>Pour les <em>kuroko</em>, cette domesticité prend tous les atours de l’esclavage, puisque, outre d’un prénom propre, ils sont privés de leur vie entière : formés dès l’enfance dans des lieux réservés, ils vivent sur place (<em>Otane Land</em> ou <em>Oume World</em>).</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/Warugaki_Kinder_garden.webp" /><span class="legende">Les élèves de l’école maternelle du 2e épisode étaient à l’origine tous des kuroko en formation. Mais comme c’était effrayant, ils ont été remplacés des écoliers plus traditionnels.²</span></div>
<p>Malgré cela les <em>kuroko</em> acceptent leurs conditions ; s’ils peuvent se montrer factieux — certains vont prendre le parti d’Otane (1915-) contre sa jumelle Oume et inversement, cela ne va jamais jusqu’à la révolte. C’est même l’inverse, puisqu’ils se considèrent comme les garants de la tradition et de l’ordre, par vocation ou esprit de sacrifice, marquant un peu plus de la présence d’une véritable <em>illusio</em> de la domesticité, « le fait d’être pris au jeu, pris par le jeu, de croire que le jeu en vaut la chandelle, ou pour dire les choses simplement, que ça vaut la peine de jouer » (Bourdieu, « Intérêt et désintéressement »).</p>
<p>Ne négligeons cependant pas un aspect des choses, qui « contribue au fait que les domestiques restent au service des riches malgré les désillusions qu’elles y rencontrent : la peur»¹. Il est révélateur que dans <em>Matrimelee</em>, ses autres fonctions confisquées, la seule qui reste est celle de souffre-douleur (sifflé au premier plan, il peut servir de projectile ou de bouclier humain). Un <a href="https://powerinstinct.fandom.com/wiki/Kuroko_CR-Goketsuji_Dialogues_1" hreflang="en">dialogue du pachinko CR Goketsuji Ichizoku</a> évoque bien la crainte dans laquelle ils évoluent :</p>
<blockquote>
<p>Kuroko2: Miss Oume hurt us for no reason<br />
Kuroko1: Talking about Miss Oume is dangerous. I am not sure if we should.</p>
</blockquote>
<p>On doit admettre cependant que la peur n’explique pas tout, que d’autres mécanismes de cohésion existent qui évitent l’explosion du clan — et de son patrimoine. Ils se manifestent d’abord par l’endogamie maximale au sein du clan, qui compense largement les velléités de fuite : la fuite de Goketsuji Shintaro, l’aîné de la fratrie qui ne veut pas reprendre le nom du patriarche est compensée près d’un siècle après par la participation de ses arrières-arrières-petits fils aux tournois et même le mariage de Keith Wayne (1969-) avec sa cousine au 4e degré Annie Hamilton (9 degrés de séparation), de même pour tous les membres expatriés en Europe, au Moyen-Orient, en Chine ou en Amérique.³</p>
<p>Plutôt que la manifestation d’un « instinct » naturel, la concurrence généralisée ainsi que les promesses d’ascension sociale et de <em>leadership</em> apportées par les tournois court-circuitent les règles habituelles de succession du patrimoine et de respect traditionnel des anciens mais provoquent une cohésion sociale très puissante — tout en produisant finalement les mêmes effets (dictature des aînés, contrôle des flux, limitation de l’émiettement du capital). Cela n’en fait pas une famille aimante, au contraire, mais au moins une entreprise commune. Dont un bon nombre d’employés en bas de l’échelle.</p>
<p> </p>
<p> </p>
<p>¹ Citations d’Alizée Delpierre, <em>Servir les riches</em>, 2022.</p>
<p>² Source : <em>Gamest Mook vol.3, Ichizoku Goketsuji 2</em>, 1995. Selon <a href="https://powerinstinct.fandom.com/wiki/Keiko_Tanaka" hreflang="en">Keiko Tanaka (Chuuko)</a>, personne clé de la licence avec son mari (qui s’occupe des chansons notamment) : « あれ、もともとはみんな黒子のか っこしていたんですよ。 黒子養成 学校みたいな設定でして。そした ら、みんな顔がないのは不気味だと言われてしまって。 それで、いまのような形になったんですよ。 » Autre remarque intéressante, les spectateurs des décors n’appartiennent pas forcément à la famille. Il faut les voir comme des travailleurs migrants (出稼きみたいな人).</p>
<p>³ Malgré la lubricité voire l’inceste délibéré au sein du clan, on peut remarquer que les stratégies matrimoniales ne s’affranchissent pas de la loi japonaise : on relève au maximum un mariage entre cousins germains (le père de Sahad est marié avec la fille de sa tante), soit 4 degrés de séparation. À ce sujet, le <em>Goketsuji wiki</em> entretient un <a href="https://powerinstinct.fandom.com/wiki/Family_Tree" hreflang="en">arbre généalogique très complet</a>.</p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/matrimelee01.png" /></div>
<p>La capture d’écran en ouverture est une horreur mêlant un <em>sprite</em> de <em>Goketsuji</em> [sic] <em>Legends</em> (récupéré chez <a href="https://powerinstinct.fandom.com/wiki/Kuroko" hreflang="en">powerinstinct.fandom</a> d’où provient aussi le <a href="https://powerinstinct.fandom.com/wiki/Goketsuji_Legends_Stages" hreflang="en">décor de Kintarō Kokuin</a>) et un décor de <em>Matrimelee</em>. L’illustration de Nezumi Kozō vient de <a href="https://goemon.fandom.com/wiki/Nezumi_Koz%C5%8D" hreflang="en">goemon.fandom</a>.</p>https://www.lafautealamanette.org/post/Shinobi-love#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1423Arbitragesurn:md5:bee1f20c51e67d158ba630a51143816c2023-06-30T23:06:00+02:002023-07-18T21:05:05+02:00Game AFautographie <div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/bigprowr.png" width="100%" /> <span class="legende">The Big Pro Wrestling, Technos Japan, décembre 1983</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/karatechamp-03.png" width="100%" /> <span class="legende">Karate Dō, Technos Japan, mai 1984</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/oozumo.png" width="100%" /> <span class="legende">Shusse Ozumo, Technos Japan, juin 1984</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/GREATSWORDMAN.png" width="100%" /> <span class="legende">Great Swordman, Allumer, septembre 1984</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/KARATETRNMT.png" width="100%" /> <span class="legende">Chatan Yarakuu Shanku - The Karate Tournament, Mitchell, décembre 1992</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/ss1-arcade.png" width="100%" /> <span class="legende">Samurai Spirits, SNK, juillet 1993</span></div>
<p> </p>
<div><img alt="" class="media" src="https://www.lafautealamanette.org/blog/images/00706juin/022086.png" width="100%" /> <span class="legende">Goketsuji Ichizoku, Atlus, novembre 1993</span></div>
<p> </p>
<p>Quelques captures d’écran limités aux jeux d’arcade pour remonter à la source de l’idée d’enrôler des <em>kuroko</em> dans <em>Samurai Spirits</em> et <em>Goketsuji Ichizoku</em> (cf. <a href="https://www.lafautealamanette.org/post/Shinobi-love">l’article précédent</a>) — je n’ai mis que le premier jeu de catch sorti, la quasi totalité ayant un arbitre, et pas les jeux où cet arbitre n’apparaît que ponctuellement (<em>Champion Boxing</em> etc.).</p>
<p>Les drapeaux et la séparation entre arbitres Est et Ouest proviennent peut-être des arts martiaux, et on remarque une référence au théâtre Nō dans <em>Chatan Yarakuu Shanku</em> où un personnage de lion (que l’on retrouve presque identique dans le Kabuki) arbitre le combat.</p>
<p>Il est également intéressant de voir comment deux jeux développés en partie simultanément, <em>Samurai Spirits</em> et <em>Goketsuji</em>, emploient différemment la figure du <em>kuroko</em>.</p>
<p>Le premier en fait un arbitre à drapeaux, très éloigné de son rôle au théâtre — le jeu l’utilise sans doute comme un élément d’ambiance qui évoque le passé, tandis que <em>Goketsuji</em> conserve sa fonction d’aide mais qui, au lieu d’un personnage cherchant à se faire oublier, se fait facétieux et partisan. </p>https://www.lafautealamanette.org/post/Arbitrages#comment-formhttps://www.lafautealamanette.org/feed/atom/comments/1430